Un an après le séisme de 2023 en Turquie : l'impunité des responsables et les défis humanitaires persistants

Un an après le double séisme du 6 février 2023, considéré comme l'une des pires catastrophes naturelles du XXIe siècle, les poursuites engagées et la poignée de procès ouverts épargnent les responsables et les politiques qui ont délivré des permis de construire de manière inconsidérée.

Avec notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer


Le 23 février 2023, alors que les secouristes cherchaient encore des survivants parmi les décombres des séismes survenus 17 jours auparavant, le ministre turc de la Justice promettait que les tribunaux traqueraient "tous les responsables", "tous ceux qui ont commis une faute ou une négligence", "peu importe leur rang", "sans aucune complaisance".


Un an après le drame ayant entraîné la perte de plus de 53 000 vies, des enquêtes sont en cours, quelques procès ont débuté, mais avocats et ONG dénoncent unanimement l'absence de responsables officiels parmi les accusés. Les 2 825 individus inculpés jusqu'à présent pour leur rôle présumé dans la catastrophe (dont 267 actuellement en détention) sont principalement des promoteurs immobiliers, des inspecteurs locaux et d'autres professionnels techniques. Le président turc Recep Tayyip Erdogan lui-même les accuse d'avoir utilisé des matériaux de qualité médiocre et d'avoir enfreint les normes de construction.


Aucun des 369 actes d'accusation rédigés jusqu'à présent ne vise les fonctionnaires et les responsables municipaux ayant autorisé la construction d'édifices dangereux, bien que les rapports d'experts les désignent souvent comme responsables. La raison en est simple : en Turquie, pour poursuivre un agent public pour un crime commis dans l'exercice de ses fonctions, les procureurs doivent obtenir l'approbation des autorités compétentes. Or, jusqu'à présent, toutes les demandes ont été rejetées.


Quant au plan humanitaire, où en est-il un an après ? Le bilan partiel fait état d'au moins 56 000 décès et de 23 millions de personnes touchées. Du côté syrien, les ravages du séisme se sont ajoutés à treize années de guerre en cours, alerte le Dr Mego Terzian, directeur général de Mehad, l'une des rares ONG présentes sur place. La majorité des victimes se trouvent dans une zone contrôlée par l'opposition syrienne, mais celle-ci "n'a pas les moyens financiers et humains d'assurer l'aide humanitaire aux populations. Les premières semaines suivant le séisme ont vu une forte mobilisation de la communauté internationale. Aujourd'hui, il n'y a pratiquement plus d'activités de reconstruction", explique-t-il. Des villages sont devenus inhabitables et les habitants se sont réfugiés dans des zones désertes, attendant le début des travaux de reconstruction pour revenir.


Selon Mego Terzian, au moins 120 000 personnes vivent toujours dans des camps improvisés établis par les autochtones au nord d'Idleb. "Les conditions sont extrêmement précaires, le froid rendant la situation encore plus difficile pour ces populations. Nous observons de plus en plus de patients se rendant dans nos centres de santé avec des infections respiratoires ou des diarrhées sévères."